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La voie du milieu

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La voie du milieu
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9 décembre 2011

L'histoire du cumul des mandats : un cas d'école qui illustre à merveille l'absurdité du fonctionnement de l'ANC

En arrivant au paraghraphe relatif au cumul des mandats, je me suis dit voila enfin un sujet qui devrait être vite emballé. Car comme je vous l'exposerai plus bas, la solution qui respecte à la fois le bon sens, la logique et même les intérêts de chacun me semblait évidente, pour peu que l'on fasse preuve d'honnêteté et de bon sens.

 Que nenni ! le débat s'est éternisé, pour aboutir en fin de course et après une interruption de séance durant laquelle les américains auraient pu envoyer une mission sur Mars, à un pseudo compromis qui n'a ni queue ni tête.

 Je m'explique. Metons de côté toute considération partisane et plaçons le bon sens et l'intérêt supérieur de la nation au dessus de toute considération (je sais je rêve tout éveillé !). 

 Une première règle de bon sens et que tout le monde, je pense, accepte, c'est la nécessité de séparer le pouvoir législatif du pouvoir exécutif.

 Deuxième règle, tout aussi évidente : l'état de la Tunisie actuellement et la charge de travail qui attend les ministres est accablante. Donc à moins d'être Superman (comme le faisait remarquer un député), il est impossible d'espérer concilier le travail au sein du gouvernement avec l'activité au sein de l'ANC (sauf éventuellement à venir de temps en temps en touriste rendre visite et taquiner les potes)

 Troisième règle tout aussi triviale : Il n'est pas normal d'envisager de priver des citoyens qui ont choisi une liste pour les représenter au sein de l'ANC d'un député élu qui les représente. J'attire l'attention sur le fait que le scrutin s'est fait sur des listes et non sur des personnes. Cela aura son importance plus tard.

 Quatrième règle : tout député qui siège à l'ANC a le droit de débattre et de voter. Ce sont les droits essentiels d'un député.

 Cinquième règle : il n'est pas non plus normal de priver un parti qui a remporté un certain nombre de sièges à l'ANC suite à des élections, d'une partie de ces sièges dès lors que ses députés sont appelés à assumer une responsabilité au sein du gouvernement.

 Voila pour ce qui est des règles de bon sens, posées ici de manière honnête et non partisane. Que vous soyez ENNAHDHA ou CPR ou TKT ou PDP ou PDM ou encore ARIDHA ou toute autre formation, je vois mal comment vous ne seriez pas d'accord avec ces règles (si vous êtes honnête et si vous faites passer l'intérêt supérieur de la nation et les objectifs de la révolution avant tout calcul politicien. Je sais je me remet à rêver).

 Bien maintenant il me semble que la loi s'impose d'elle même :

 Tout député qui serait appelé à assumer des responsabilités au sein du gouvernement, voit son statut de député suspendu afin qu'il se consacre entièrement au travail gouvernemental. Il est alors remplacé en sa qualité de député, par la personne qui le suit immédiatement dans la liste à laquelle il appartient.

 Le scrutin étant un scrutin de liste, on ne pourra pas objecter que les citoyens ont élu cette personne en particulier et qu'on ne peut pas donner sa place à une autre personne.

 Ce faisant, nous avons respecté chacune des 5 règles énoncées ci-dessus, préservé l'intérêt de la nation et préservé l'intérêt du parti auquel appartient ce ministre. 

 Au lieu de cela, nous avons assisté pendant de longs moments à des débats sans fin, à un rabâchage d'arguments et de contre arguments qui se répétaient, pour arriver à la fin à un article bâtard, qui ne respecte totalement qu'un seule règle sur les 5 : celle du droit des partis à bénéficier du nombre total des voix acquises suite à l'élection.

Messsieurs les députés, René Descartes (je vous prie d'excuser la référence que je fait à la culture française, mais je suis un déchêt de la francophonie comme dirait Am Tahar Hmila) disait que "le bon sens est la chose au monde la mieux partagée". Ne nous faites pas dire que , "la bêtise est la chose en Tunisie la mieux partagée". Essayer une fois et vous verrez : c'est si agréable d'être logique, honnête et respectueux de son pays et de ses concitoyens. Essayez et vous nous emballerez cette mini constitution en 24 heures chrono, le règlement intérieur en 3 jours et la constitution en 3 mois. 

 Bon j'arrête de rêver et je reviens à la réalité. Le débat continue sur Watanya 1....

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1 novembre 2011

Pourquoi je suis contre le rassemblement prévu à la Kasbah en faveur des acquis de la femme tunisienne

Demain doit avoir lieu un rassemblement à la Kasbah pour défendre les acquis de la femme tunisienne. Contrairement à l’avis dominant, je suis contre cette manifestation. Voila pourquoi.

La catégorie de la population qui va se mobiliser appartient principalement à la population aisée de la Tunisie. Or le résultat des dernières élections a montré que cette population n’intéresse pas le gros du peuple tunisien. Au contraire, c’est cette population que le peuple n’aime pas, qu’il associe en vrac au milieu des affaires, corrompus avec l’ancien régime, aux riches qui spolient les pauvres ou encore aux ennemis de l’islam et de l’identité arabo-musulmane. Bien des gens ont voté Ennahdha parce qu’ils font cette association.

Aller manifester comme cela a déjà été fait à la coupole, ou encore en faveur de la laïcité ou encore dernièrement en faveur de la liberté d’expression suite à l’affaire Nesma, ne peut que braquer encore un peu plus la population sur cette catégorie de gens et renforcer encore plus les rangs d’Ennahdha. Bien que le but soit noble, je suis convaincu que le Tunisien fera encore une fois l’amalgame entre toutes ces affaires et la manifestation programmée. Et s’il ne le fait pas, certains partis se feront un plaisir de l’aider à faire cette confusion.

Au lieu de cela, la société civile devrait se mobiliser et porter ses efforts sur les femmes et les jeunes filles des catégories défavorisées ou des régions intérieures, et qui, pour la plupart, ont un sort bien peu enviable.

Combien sont-elles à trimer tous les jours pour ramener un salaire de misère à la maison, que leur mari va dépenser au café, en cigarettes ou en boissons alcoolisées ?

 Combien sont-elles, qui, pour un oui ou pour un non sont battues mais ne peuvent, ou ne doivent surtout rien dire parce qu’une femme ne dénonce pas son mari ? combien sont-elles qui rêvent de divorcer mais qui n’osent le faire, qui ne trouvent ni compréhension, ni compassion, ni réconfort auprès de leur propre famille parce qu’une femme divorcée n’a plus d’honneur ?

Combien sont-elles, ces jeunes filles qu’on oblige à arrêter les études pour les enrôler comme bonne à tout faire dans les maison bourgeoise des grandes villes ? Quel avenir attend ces filles là ?

Combien sont-elles ces jeunes filles que l’on oblige à l’âge de 17 ou 18 ans à épouser un cousin qu’elles n’aiment pas et qui va lui faire paraitre la vie bien longue ?

Combien sont-elles à travailler dans des ateliers ou des usines, dans des conditions humiliantes, à devoir céder aux caprices de patrons peu scrupuleux ? Combien sont-elles à se voir licencier dès qu’elles se marient ou dès qu’elles ont leur premier enfant ?

Combien sont-elles à avoir fait des études, mais, qui, une fois mariées, devront croupir à la maison pour le restant de leur vie, parce que leur époux veut une femme au foyer, ou qu’il refuse que sa femme puisse être en contact avec d’autres hommes, serait-ce sur le lieu de travail. Et on leur aura expliqué qu’une femme doit une obéissance aveugle à son mari si elle veut espérer accéder un jour au Paradis.

Combien sont-elles à qui leurs époux, sous l’influence d’imams plus ou moins savants, refuseront le droit à toute forme de contraception et qui devront trimer pour nourrir et s’occuper d’une famille nombreuse alors que leurs maris seront au café ou à la mosquée ?

Combien sont-elles, qui, éreintées après une journée de travail, des heures d’attente et de transport en commun, les travaux ménagers, la cuisine, la vaisselle… devront, sans un mot, en silence assouvir les besoins d’un homme qui ne leur manifestera pas un gramme de tendresse, qui ne leur prodiguera pas un baiser, pas une caresse ? Parce qu’on leur aura expliqué qu’une femme n’a pas le droit de se refuser à son mari et que si elle le fait, les anges passeront la nuit à la maudire.

Voila une cause qui mérite qu’on se mobilise pour elle. Mais cette mobilisation ne doit pas se faire à El Menzah 6 ou à la Kasbah. Elle doit se faire dans les banlieues défavorisées de Tunisie, dans les campagnes, utiliser les centres de planning familial…  Au lieu de manifester dans les quartiers chics, il faut battre le pavé, aller à la rencontre de ces femmes, leur expliquer que si on se bat, ce n’est pas tant pour avoir le droit de se baigner en bikini ou porter la jupe, mais c’est bien pour ELLES.

Pour qu’ELLES aient droit à une vie digne. Pour qu’elles aient droit au respect qu’elles méritent. Pour qu’elles aient le droit de dire non quand on veut les marier à un homme qu’elles n’aiment pas. Pour qu’elles aient le droit de choisir un moyen de contraception qui leur convient. Pour quelles ne soient plus battues, pour qu’elles aient le droit d’étudier et avoir une chance de sortir de la misère. Pour qu’elles aient le droit de travailler dans des conditions justes et équitables. Pour qu’elle ait le droit de choisir la vie qui leur convient. Pour que les hommes, qui bénéficient du double de l’héritage, soient mis face à leur responsabilité de chef de famille et qu’ils leur assurent une vie digne et honorable et qu’ils leur témoignent l’amour et le respect qui leur est dû.

19 octobre 2011

Pour moi, ce sera le PDP

Enfin, mon choix est arrêté. Pour moi ce sera le PDP. Le choix ne fut pas simple en raison de toute l’agitation régnante et de la pollution du débat qui nous faisait perdre de vue que le but principal de cette élection c’est la rédaction d’une constitution. Et dans cette constitution ce sont les libertés fondamentales qui devront être établies mais aussi le modèle et le fonctionnement des institutions. Voilà l’objectif. Les politiques économiques ou sociales, les stratégies de développement régional ou encore les politiques culturelles ou sportives, ce sera un autre débat et l’objet des élections de 2012 si Dieu le veut. Les orientations économiques sont amenées à changer régulièrement avec  l’alternance du pouvoir, mais les mécanismes de fonctionnement des institutions doivent rester stables à long terme.

Les libertés fondamentales

En étudiant attentivement les programmes des différents partis relatifs aux libertés fondamentales, on constate que tout le monde est d’accord sur l’essentiel. Du moins dans les programmes officiels.

Certains reprochent à ENNAHDHA d’afficher un discours de façade et de tenir un double langage. Il est vrai que certaines ambigüités demeurent. J’aurai tant souhaité que ce parti signe le pacte républicain pour lever ces ambigüités, ou alors qu’il assume pleinement des positions différentes, et qu’il les annonces clairement. Chacun serait alors libre d’adhérer ou pas, en toute connaissance de cause. J’écrirai peut être un autre article pour expliquer pourquoi je ne vote pas ENNAHDHA.

Le fonctionnement des institutions

Sur le plan du système de gouvernement et du fonctionnement des institutions, ce sont les projets du PDP et de AFEK qui se rapprochent le plus de ma façon de voir. En particulier parce que ce sont les seuls à proposer un système à deux chambres et des contrepouvoirs suffisants.

Le projet ENNAHDHA mérite, selon moi la palme du plus mauvais projet, J’ai l’impression qu’il n’a pas été conçu avec comme objectif celui de doter le pays d’institutions viables à long terme, mais uniquement de servir ce parti après une victoire que ses dirigeants n’hésitent même plus à prédire publiquement. Vous trouverez sur internet plusieurs articles qui démontrent les inconvénients de ce projet.

La légitimité historique

J’ai décidé de ne voter que pour des partis politiques ayant une légitimité historique et un passé de résistance au pouvoir en place avant le 14 Janvier. Pour moi c’est une question d’éthique, par respect aux sacrifices et aux épreuves subies par ces opposants de la première heure. Donc quelle que soit leur orientation politique je leur rends hommage. Ce critère élimine bien évidemment le parti AFEK ainsi que tous les autres partis nés après le 14 Janvier.

L’appartenance à un parti politique

Ne pas voter pour une liste indépendante : à mon avis, la représentativité du peuple et la participation à la vie politique doit se faire par le biais des partis politiques. Ils ont été créés pour cela et j’estime qu’un paysage politique aussi décousu que le notre en ce moment est de nature à semer le trouble et la pagaille plus qu’il n’offre une meilleure représentativité aux citoyens.

La clarté du discours et des positions, le comportement durant la période transitoire

Les politiciens sont généralement les champions de la langue de bois. J’estime qu’avoir un discours clair, des positions affirmées et assumer ses choix est suffisamment rare pour être signalé. A mes yeux, une mention spéciale revient au PDP et au POLE (PDM).  

Le PDP a toujours affiché des positions claires tout au long de ces 9 mois, même si ces positions lui ont souvent porté du tort. Moi-même je me suis détourné de ce parti pendant plusieurs mois en raison de certaines de ses prises de position. Mais au moins ça avait le mérite d’être clair.

Quand au POLE, il  est le seul à avoir clairement pris position sur des sujets sensibles comme par exemple l’égalité homme femme, l’héritage ou encore la gestion des lieux de culte. Même si je ne suis pas forcément d’accord avec certaines de leurs positions, je trouve qu’ils ont beaucoup de mérite et de courage d’afficher aussi clairement et aussi honnêtement leur engagement sur ce genre de sujet et je les en remercie.

Quand au fait que ces deux partis aient accepté d’assumer des responsabilités politiques dans les deux premiers gouvernements, contrairement à beaucoup de gens, je considère que c’était un devoir national à un moment très délicat et je porte cela à leur crédit. Peut être qu’il y avait également du calcul politicien, mais c’est être bien naïf et irréaliste que de demander à un parti politique de ne pas faire de politique. Si quelqu’un veut cela, il ne s’engage pas en politique, mais il s’engage dans l’associatif.

Je ne reviendrais pas sur les ambigüités du discours d’ENNAHDHA. La plupart des réponses étaient à double détente et c’est toujours un OUI MAIS ou un NON MAIS.

Pour le CPR, je n’ai jamais apprécié les positions de Monsieur Moncef Marzouki, pour qui j’ai au demeurant un profond respect en tant que militant, mais dont l’attitude de critique systématique me laisse à penser qu’il a davantage sa place dans un rôle d’éternel opposant que dans un parti appelé à gouverner.

Pour ce qui est d’AFEK, je trouve que ce parti, dont il se trouve que je connais beaucoup de ses membres du bureau exécutif, n’est pas vraiment à sa place, à ce stade de la vie politique de notre pays. Reconnaissons-lui cependant le mérite d’avoir su émerger et de disposer d’une notoriété, alors même que la quasi-totalité des partis post 14 Janvier sont restés dans l’anonymat le plus total. Mais pour moi, ce parti, malgré les compétences qu’il recèle, n’est pas vraiment représentatif de la Tunisie populaire. Diriger un pays, ce n’est pas comme diriger une entreprise. Néanmoins, je pense que ce parti pourrait, dans le futur, apporter beaucoup sur le plan des programmes, des méthodes de gestion, etc.

J’avoue qu’ETTAKATOL est pour moi une énigme. J’ai un sentiment, bizarre, que je ne saurais expliquer : c’est comme si les Dirigeants du parti et un grand nombre de mes amis, militants et sympathisants du ETTAKATOl n’appartenaient pas à la même formation. Si je regarde les adhérents , j’y retrouve mes marques. Mais c’est le comportement de la direction du parti qui me gêne : j’ai l’impression que l’on tergiverse sans cesse, que l’on attend toujours d’où le vent va souffler avant de prendre position, que l’on dénigre ses amis d’hier... Il y a eu l’épisode de la participation puis de la non participation au premier gouvernement avec des explications que ne m’ont pas convaincu, une attitude le plus souvent critique mais sans proposer d’alternative, les attaques contre le PDP, l’alliance ou non avec ENNAHDHA, le refus de s’engager à participer à un front progressiste après les élections et quelque soit le résultat de ces dernières…

Tout cela fait beaucoup et fait que je n’arrive pas à avoir de la sympathie pour ce parti malgré que j’y compte beaucoup d’amis que j’apprécie.

Les orientations économiques et sociales

Pour terminer, j’ai bien évidemment examiné les orientations socio-économiques des différents partis. Je me définis comme étant de centre droite et j’avoue que les programmes aussi bien du PDP que d’ETTKATTOL, du POLE de AFEK et même d’ENNAHDHA comportent des orientations intéressantes. Cela dit, pas un parti ne s’est penché sérieusement sur le plan de financement, ce qui relègue ces programme plutôt au rang de vœux pieux.

Le mot de la fin

Voila. PDP, c’est mon choix et il n’engage que moi. Je n’ai aucune idée à ce stade si, pour les vrais élections législatives je resterai ou non fidèle au PDP. D’ici là j’espère que les choses seront plus claires et les ambigüités des uns et des autres levées.

Mais dans tous les cas, ALLEZ VOTER. Le plus mauvais choix serait de rester à la maison en se disant que de toute façon cela ne va rien changer ou que tous les politiques sont des pourris. ALLEZ VOTER. Vous le devez en hommage aux martyrs qui sont tombés pour que nous, nous ayons la chance de vivre la journée du 23 Octobre. Vous le devez à votre pays qui se construit et qui, malgré tout ce qui s'est passé, a continué à fonctionner. Vous le devez à vos enfants pour qu’ils puissent espérer un avenir meilleur.

27 février 2011

Pourquoi rien ne va changer après la nomination de Si Beji Caid Essebsi et quels scénarios pour la suite ?

Je pense que la nomination de Si Beji Caid Essebsi ne va rien changer du tout et constitue à mon sens une preuve supplémentaire sur le fait que les instances dirigeantes (celles qui se sont concertées pour nommer le nouveau premier ministre) n'ont toujours pas compris ce que voulait la rue (pas nécessairement ce que veut la majorité du peuple !).

Je m'explique : s'il y a un mot qui revient sur toutes les bouches dans les manifs, sur les plateaux télé... c'est REVOLUTIONNAIRE. Les opposants au gouvernement trouvent que le gouvernement n'est pas révolutionnaire, qu'il poursuit la politique du passé, qu'il reconduit les même hommes du passé... Ce n'est faux.

Mais que veulent au juste les manifestants ? Sur les affiches on lit démission de Ghannouchi et du gouvernement, dissolution des 2 assemblées, annulation de la constitution actuelle et élection d'une assemblée constituante. Ah et j'oubliais le Comité de Surveillance de la Révolution (un peu pompeux comme titre, un peu fumeux comme concept). Mais derrière ces revendications, que l'on peut d'ailleurs approuver en un certain sens, je ne crois pas que les manifestants ne veulent QUE cela.

C'est là que le mot RÉVOLUTIONNAIRE prend tout son sens : en fait ce mot signifie une rupture TOTALE avec l'ordre établi. Une rupture constitutionnelle, une rupture avec TOUTES les politiques suivies auparavant (politiques, économiques et sociales) sans distinction de ce qui était bon ou mauvais, une rupture avec les lois généralement admise...

Rechercher une solution constitutionnelle n'est pas un comportement révolutionnaire ! C'est pour cela que tout gouvernement qui s'appuiera sur un cadre constitutionnel sera qualifié de non révolutionnaire et qu'on lui demandera de DÉGAGER.

Poursuivre une politique économique libérale, encourageant l'initiative privée et intégrant les investisseurs étrangers, le tourisme.. n'est pas révolutionnaire. C'est pour cela que les partis d'extrême gauche appelant au communisme, à la collectivisation des biens, au nivellement des salaires et à la nationalisation des entreprises connaissent un tel succès. C'est pour cela aussi que les partis religieux prônant un retour aux traditions, une remise en cause du tourisme et de la mixité connaissent également un succès : parce qu'ils sont révolutionnaires en ce sens qu'ils sont en totale rupture avec le passé.

RÉVOLUTIONNAIRE, c'est aussi passer outre toutes les règles généralement admises en matière de traitement des affaires judiciaires : c'est donner le nom de prévenus et les passer à la télé avant même que l'affaire ne soit instruite, c'est envoyer en prison tout ce qui, de près ou de loin est lié à une affaire pour faire DÉGAGER toute la pourriture. C'est lancer en toute impunité le plus d'accusations à tort et à travers sur les plateaux de télé sans aucune preuve ni respect pour les personnes. C'est accuser d'être ANTIRÉVOLUTIONNAIRE tous ceux qui ne sont pas du même avis que vous. Or le gouvernement a été bien loin de ce comportement. Il a même été mou, accumulant les maladresses et ayant toujours un train de retard sur l'opinion. Même les rares invités sur les plateaux de télé qui représentaient le gouvernement ou les commissions indépendantes (à qui on demande également de dégager) n'étaient pas révolutionnaires dans leur comportement : ils parlaient posément, il essayaient de convaincre et n'accusaient pas les autres invités d'être antirévolutinnaires. Comment voulez vous ne pas être taxé de sbire de l'ancien régime si vous vous comportez comme cela !

Être RÉVOLUTIONNAIRE pour certains, c'est ne plus se soumettre à l'ordre établi, c'est quand les forces de l'ordre sont accusées d'être à la solde de l'ancien régime quand elles arrêtent des pilleurs, c'est s'approprier les biens de l'état et les biens privés, c'est ne plus rien respecter sur les routes, ni feux, ni stops, et tant pis si on tue quelqu'un (après tout il ne va pas se plaindre d'être devenu un martyr de la révolution).

Être RÉVOLUTIONNAIRE, pour d'autres, c'est empêcher ses collègues (qui du coup deviennent suspects car non révolutionnaires) d'aller travailler librement quand on a décidé de faire gréve parce que ce n'est pas tous les jours que l'on fait la révolution et que nos revendications doivent être à la hauteur de l'événement.

RÉVOLUTIONNAIRES sont les élèves de collège et de lycée que des gens ont instrumentalisés et qui ont vandalisé des dizaines d'autres collèges et lycées et obligé leur camarades à cesser les cours et même, parfois sous la menace, à les suivre à la Kasbah.

Enfin être RÉVOLUTIONNAIRE c'est encore pour certains avoir le cœur empli de haine envers ses concitoyens qui ont réussi et les accuser, sur des plateaux télé d'être des francs maçons, des agents à la soldes de la France ou des États Unis, ou encore des services Israéliens (on n'a pas encore eu droit à des agents envoyés par les extra terrestres). C'est contester ce qui rendait la Tunisie admirable, la réussite par les études qui a fait que l'écrasante majorité des hauts diplômés qui ont réussi sont d'origine modeste, viennent de tous les coins de la République et ne doivent leur réussite ni à une fortune familiale, ni à un nom de famille prestigieux, mais à leurs travail et à leurs études.

Alors vous comprendrez que quel que soit le gouvernement, dès lors qu'il sera non révolutionnaire, il ne pourra que DÉGAGER.

Cela étant dit, je crois que Si Med Ghannouchi (que je respecte beaucoup et que je remercie de tout cœur pour le travail qu'il a accompli) se devait de quitter son poste car il cristallisait les rancœurs contre l'ancien régime. Je pense aussi que plusieurs membres actuels du gouvernement sont totalement dépassés par les événements et n'ont pas le profil politique ni l'expérience humaine (je leur reconnait une grande compétence technique) qu'il faut pour faire face à la situation. Je pense qu'ils devraient aussi démissionner sans délai.

Il est également vrai que le gouvernement a accumulé les maladresses, d'abord par manque de courage politique pour rompre totalement avec tous les symboles du passé (le gouvernement a privilégié, à tort ou à raison l'expérience et la compétence avant la symbolique). Ensuite par une profonde incompréhension de la logique avec laquelle raisonne l'homme de la rue (sans aucune connotation péjorative). Malheureusement, dans ce genre de situation, la compétence ne suffit visiblement pas: il faut une bonne dose de communication, d'écoute, de roublardise, de démagogie et de surenchère. En un mot un peu de compétences et beaucoup de politique.

Second problème de ce gouvernement : une communication CATASTROPHIQUE, pour ne pas dire une non communication. J'avais déjà suggéré en messagerie privée à plusieurs membres du gouvernement de faire des points presse hebdomadaires, voire quotidiens, associant le Porte Parole du Gouvernement, le Ministère de l'Intérieur et l'Armée. Ce genre de pratique, qui est en vigueur dans la plupart des pays démocratique, apporte de la visibilité et permet d'expliquer l'action gouvernementale et de couper court aux spéculations. Malheureusement, rien n'a été fait et le gouvernement a toujours réagi en retard, sans coordination médiatique et s'est laissé dépasser par la rumeur.

Troisième problème : la composition de ce gouvernement. Il regroupe des talents qui trouvent leur public auprès d'une élite éclairée, mais ils ne font pas partie des gens du Peuple. Ils ne raisonnent pas et ne parlent pas sur le même registre. D'où cet acharnement sur eux.

Et maintenant ?

Je pense aussi que la nomination de Si Beji Caid Essebsi, grand homme d'état, est une maladresse de plus car elle marque encore plus un ancrage dans le passé. Vu du côté de la Rue, comment voulez vous qu'une population composée à plus de 60% de jeunes comprenne et soit comprise par un président et un chef de gouvernement tous deux âgés de plus de 80 ans ? Et anciens du système politique d'avant le 14 Janvier qui plus est. Je rappelle simplement que pour ces jeunes, tout est mis dans le même pot.

Dès lors que nous reste-t-il comme choix ? Eh bien il n'y en a pas 36, mais 3 :

  • Remettre encore une fois le plat avec Si Béji, nommer de nouveaux ministres et voir comment ça va se passer. malheureusement je ne suis pas très optimiste pour les raisons que j'ai développé plus haut
  • Proposer le poste de premier ministre aux ténors de l'opposition en leur laissant carte blanche pour nommer leurs ministres. Après tout c'est ce qu'ils se proposent de faire avec le Comité de Surveillance de la Révolution. S'ils acceptent, le pays verra de quoi ils sont capables : s'ils réussissent, tant mieux pour le pays, si le pays sombre, eh bien cela aura eu le mérite de montrer à la population, avant les élections, le danger de confier les rênes à ces partis.
  • Demander à l'armée de prendre ses responsabilités pour stopper ce chaos et remettre le pays sur les rails de la discipline, du respect de l'État et du respect des règles du jeu démocratiques. Dans ce cas, on pourrait imaginer, dans les grandes lignes, le scénario suivant:
  • prise de pouvoir par un comité composé de militaire (les chefs d'état major de l'armée de terre, de l'air et de la marine)
  • instauration de la loi martiale (ce qui remettra de l'ordre),
  • abrogation pure et simple de la constitution actuelle,
  • dissolution de l'Assemblé Nationale et du Sénat
  • constitution d'une commission chargée de définir les modalités et d'organiser l'élection d'une Assemblée Constituante. Cette commission aurait un délai de 1 à 2 mois maximum pour rendre sa copie, après s’être concertée avec les différentes forces politiques et civiles du pays. Il s’agit juste de définir les modalités de l’élection et non de revoir la constitution.
  • Nomination d'un conseil ministériel restreint dont la seule mission serait de régler les affaires courantes : Ministre de la Défense, de l'Intérieur, des Affaires Étrangères, des Finances de l'Industrie (et du Commerce), de l'Agriculture (et du développement régional), de la Santé, de l’Education, de l’Enseignement Supérieur et de l’Emploi. Durant cette période, les ministères ne pourront engager aucune politique à long terme, ni négociation sociale pouvant être considérée comme un acquis définitif que devra supporter le gouvernement qui sera élu par la suite.
  • Placement des commissions d’enquête créées durant la période précédente sous la supervision des instances judiciaires du pays, et sous la supervision d’un comité regroupant des représentants des juges, des avocats et de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme par exemple.
  • Après son élection, la constituante aurait 2 mois pour apporter les modifications constitutionnelles
  • Pendant ce temps, la commission qui avait préparé l’élection de la constituante préparera les conditions matérielles pour l’élection d’une assemblée nationale et d’un Président de la République le même jour. Un référendum pourrait être organisé plus tard pour décider s'il faut ou non maintenir des élections concomittantes.

Bien sûr de nombreux points devraient être examinés. Je vous avoue que je préfère ce scénario aux précédents et surtout au fameux Conseil de Surveillance de la Révolution qui me semble avant tout un organe d'exclusion et de dictature.

Je vous invite à contribuer au débat de manière constructive et à plus vous mobiliser dans la rue que derrière votre Facebook (gardez quand même un œil pour dénoncer les manipulations) si vous voulez faire entendre votre voix. et puis n'oubliez pas de crier, de couper la parole, d'accuser, de diffamer, et d'imaginer des scénarios abracadabrants. Ainsi on vous écoutera peut-être.

Plus sérieusement, je terminerai par quelques mots aux contestataires de tout bord, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre : ceux qui risquent de voler la révolution, ce sont justement les gens qui ne respectent pas les avis opposés, qui trainent dans la boue tous ceux qui pensent autrement, ceux qui prétendent avoir tout compris et détenir l'unique vérité. C'est comme cela que les dictatures commencent.

30 janvier 2011

Mon point de vue sur les incidents de la Kasbah, mon analyse des causes et quelques modestes recommandations.

Après avoir pris connaissance des dizaines de vidéos, de témoignages facebook, entendu plusieurs témoins sur les plateaux de télé…, voici mes conclusions sur ce qui s’est passé à la Vendredi à la Kasbah (conclusions qui n’engagent que moi bien évidemment)

  • Sceptique au départ, je suis maintenant persuadé qu’il y a bien eu une attaque planifiée, coordonnée et parfaitement exécutée des forces de Police sur les personnes qui faisaient un sit-in à la Kasbah.
  • Les responsables qui ont conçu et mené cette opération ont berné le gouvernement et à sa tête le Premier Ministre et le tout nouveau Ministre de l’Intérieur, mais également l’Armée. Sous un prétexte tout à fait anodin (lever les obstacles des rues avoisinantes qui auraient gêné les commerçants et les riverains), ils ont fait en sorte que l’armée bouge de ses positions, que les forces de Police se trouvent sur place en nombre, puis ont créé l’incident qui devait permettre à la Police d’intervenir.
  • Des groupes de casseurs ont été mis à contribution (volontairement ou à leur insu, je n’en sais rien) pour donner à la police un mobile « suffisant » pour lancer l’assaut.
  • Cet acte est le fait d’un groupe au sein des forces de l’ordre, mais je ne pense pas pour autant que tous soient pourris. Nous observons tous les jours des membres des forces de l’ordre qui se comportent maintenant de manière citoyenne et tout à fait responsable.

Comment cela a-t-il été rendu possible, au moment même où le gouvernement est sur la corde raide et se sait observé, où le Premier Ministre sait que tout le monde n’attend qu’une erreur de sa part et que le nouveau Ministre de l’Intérieur aurait sans aucun doute préféré marquer d’une toute autre manière sa prise de fonction au sein de ce ministère qui est sur la sellette ?

J’incriminerais tout d’abord les 23 ans de dictature policière : depuis 23 ans, les forces de l’ordre ont été formées, entrainées et endoctrinées sur des principes exclusivement répressifs et sur le fait que la Police et ses responsables sont au dessus des lois et sont intouchables. On peut légitimement se poser la question quand à ce que valent la personne et la dignité de la personne humains aux yeux de certains de ses membres. Il faut croire que ce conditionnement ait été si bon que c’en est devenu une seconde nature pour ces gens. Malheureusement il faut se rendre à l'évidence qu'on ne peut pas changer le résultat de 23 ans d’endoctrinement en 15 jours.

Cette opération permet à certains responsable du Ministère de l’Intérieur de discréditer le nouveau Ministre, qui, rappelons le n’est pas issu de leurs rangs. On observe ce réflexe dans toutes les organisations (dans les entreprises, les administrations…) : dès lors qu’un nouveau responsable est nommé, et qu’il affiche son intention de faire changer les choses, tout le monde va lui mettre les bâtons dans les roues et tout faire pour qu’il échoue. Il est d’ailleurs significatif que nous ayons une expression consacrée à cela dans notre langage courant : ika3brouhalou.

Après l’annonce du nouveau gouvernement, tout le monde sentait que l’on s’acheminait vers une normalisation des choses, ce qui aurait permis au gouvernement de se mettre enfin au travail et de s’attaquer aux réformes de fond. Il est probable qu’il existe encore des membres du Ministère de l’Intérieur mais également d’autres corps de l’Etat (Douanes, Impôts…) ou de la société civile que cette évolution n’arrange pas. Rameuter à nouveau la population et radicaliser encore plus les foules permet de créer une scission encore plus profonde dans la société et ainsi, détourner notre attention des véritables objectifs de cette période transitoire.

Je crois également que l’on peut affirmer (et je parle là en tant que témoin oculaire) que des groupes de voyous et de casseurs s’infiltrent dans les manifestations et sèment la pagaille. Ce que je constate, pour les avoir personnellement vus à l’œuvre à de multiples reprises, c’est que ces groupes ont des caractéristiques et des méthodes qui rappellent les casseurs de nos compétitions sportives ou les pillards qui ont sévi dans les jours qui ont suivi la chute de ZABA. . Sont-ils pilotés par quelqu’un, servent-ils les intérêts d’une partie ou d’une autre ? Je ne saurais le dire.

J’incriminerai ensuite l’inexpérience politique du gouvernement. En effet, nous avons là une illustration concrète et dramatique de la différence entre un politique et un bureaucrate. Le bureaucrate est un très bon technicien, mais il n’est généralement ni combinard ni roublard, ce qui, en caricaturant un peu est le propre du politique. Malheureusement, quand on n’a pas ces traits de caractère, on peut être un peu naïf et ne pas voir les coups bas venir. Je crois que c’est le cas de certains membres de ce gouvernement, et en particulier de Mr. Ghannouchi, qui, s’il était un tant soit peu politicien, n’aurait pas été reconduit à son poste par ZABA pendant 11 ans.

Je mettrai ensuite en cause l’inexpérience de la société civile dans l’organisation de ses propres actions de revendications : privée depuis 23 ans du droit de manifester ou de se regrouper librement en associations  la société civile agit souvent dans un désordre et une improvisation totale. Or, si nous observons ce qui se passe dans des pays où cette tradition est solidement ancrée, les mouvements populaires sont systématiquement encadrés soit par des organisations politique, soit par des ONG, soit s’il s’agit de mouvements spontanés, des comités de coordination sont systématiquement créés pour coordonner l’action de ces mouvements avec les pouvoirs publics, avec les forces de l’ordre, aves les autorités sanitaires… Si cela avait été fait à la Kasbah et que les représentants des manifestants avaient demandé depuis le premier jour une coordination avec l’armée et les forces de l’ordre censées les protéger, cela n’aurait sans doute pas donné la possibilité aux BOP d’orchestrer cette opération sous couvert de motifs « légitimes »

Inversement, on ne peut que constater le déficit catastrophique de communication du gouvernement (sans doute à mettre aussi au crédit de son inexpérience politique) : le gouvernement est sans cesse en train de subir la loi de la rue, des media, des facebookeurs… et même ses réactions, quand il y en a, sont d’une maladresse étonnante. Il est quand même incroyable qu’il ait fallu attendre 24 heures et un débat sur Nessma TV pour enfin entendre le porte parole du gouvernement. Mais la réponse de ce dernier est encore plus sidérante : si vous avez des questions à poser sur ce problème, posez les au Ministre de l’Intérieur pour qu’il vous réponde, je n’ai pas d’éléments et je ne peux pas parler au nom des autres ministères ! On croit rêver ! Et il aura fallu que Nessma demande sur antenne si elle pouvait contacter le Ministre de l’Intérieur pour que celui-ci se manifeste et qu’il annonce mollement sa disposition à ouvrir une enquête. Je crois qu’on ne peut pas faire pire en termes de communication.

Enfin, ces causes ne seraient pas complètes si on oubliait l’essentiel : pourquoi donc des habitants des régions de l’intérieur ont éprouvé le besoin de monter à Tunis ? Parce que tout simplement personne n’est venu à eux. Parce qu’ils ont eu l’impression, à juste titre, qu’on avait trop vite oublié que ce sont eux qui, les premiers, sont sortis dans la rue, au péril de leur vie. Que c’est parmi leurs familles que l’on compte l’écrasante majorité des martyrs et des blessés. En qu’en contrepartie, personne ne s’est rendu sur place, que personne ne leur a proposé de s’associer aux réformes en cours et que sans doute bien vite, ils seraient de nouveau les oubliés de la révolution.

Voici pour les faits et les causes possibles. Que peut-on proposer pour éviter que cela se reproduise ?

Premièrement, le gouvernement doit sans délai annoncer l’ouverture d’une commission d’enquête au sein du Ministère de l’Intérieur et procéder à l’audition des témoins (civils) et au visionnage des différentes vidéos qui circulent, même si ces vidéos n’ont pas forcément valeur de preuve irréfutable. Cette commission d’enquête devra rendre ses conclusions rapidement et une conférence de presse devra être donnée pour exposer clairement le déroulement des faits, les responsabilités et les mesures qui auront été prises.

Sans vouloir lui donner de leçons (il est sans conteste plus compétent que nous sur ce plan), nous attirons l’attention du Ministre de l’Intérieur sur le fait que ses services vont encore tenter de le déstabiliser. Il devra donc très rapidement faire le tri parmi ses collaborateurs et écarter sans ménagement les combinards où ceux qui ont des intérêts personnels ou idéologiques à défendre (j’espère qu’ils ne sont plus très nombreux). Il doit compter sur l’appui du public et, pour cela, apprendre à communiquer régulièrement, honnêtement et cartes sur tables. Il doit  faire sentir aux gens qu’il est au service du Peuple Tunisien et non au service du Ministère de l’Intérieur.

La même remarque s’applique également à d’autres administrations sensibles où il faudra s’attendre à d'autres incidents visant à discréditer les personnes nouvellement nommées : la Douane, la Direction Générale des Impôts, la Banque Centrale, la CNSS, la CNAM, la Direction des Biens de l’Etat…

Le public doit accepter, sans crier sans cesse au loup, que les forces de l’ordre arrêtent les groupes de perturbateurs, car ces groupes existent. Si on les arrête mais qu’après ils arrivent à nous faire croire que ce sont des victimes  d’une stratégie machiavélique d’une organisation X ou Y… et que le public se mobilise en leur faveur, on n’est pas sortis de l’auberge. Pour cela, nous devons nous même atteindre rapidement une maturité qui nous permet de trier les informations, de ne pas dire je l’ai lu ou vu sur facebook donc c’est forcément vrai, de ne pas dénigrer systématiquement ce que fait le gouvernement, mais aussi, ne pas croire sur parole tout ce qu’ils nous disent (l’incident de la Kasbah est, sur ce plan, significatif). Cette transformation est de même nature que celle qu’on exige des membres du gouvernement alors, nous aussi, faisons un effort sur nous même pour faire la part des choses.

Le gouvernement doit apprendre à communiquer. A l’image de ce qui se fait aux Etats Unis ou dans les pays européens, des points de presse réguliers seraient vivement appréciés et feront taire les rumeurs (bien ou mal intentionnées) et les on-dit. Cela devrait rapidement instaurer un climat de transparence et de confiance entre le gouvernement, le Peuple, les journalistes… Nous recommandons également à l’Armée Nationale de participer à ces points presse et de se prononcer notamment quand des sujets relatifs à la sécurité ou à des incidents sont abordés.

La société civile doit apprendre à se structurer et à nommer des délégués. On critique le gouvernement à tour de bras, mais concédons une chose, c’est qu’il n’est guère possible de gérer sereinement quand les critiques fusent de toute part, que les revendications sont incessantes, que l’on doit s’adresser à des dizaines d’interlocuteurs…. D’autant que tous les chantiers sont prioritaires et que les Tunisiens sont pressés.

Le gouvernement doit oublier les réflexes de centralisation et se rendre dans les régions, les faire participer aux réformes, écouter leurs besoins et prendre la juste mesure du désespoir des habitants mais aussi des espoirs que cette révolution a fait naitre en eux. Après les graves événements de Vendredi (je refuse de parler d’incident), le gouvernement est tenu de présenter des explications et des excuses et enfin, de faire participer sous une forme ou une autre les habitants de ces régions. Un déplacement sur place de certains membres du gouvernement pour rendre hommage aux victimes me semble indispensables (mais attention aux fauteurs de troubles qui ne manqueront pas de créer des incidents pour que ça se passe mal !).

Enfin, pour terminer sur une note positive, j’invite nos artistes (en particuliers les jeunes et en aucun cas ceux qui se dépêchaient de chanter lors des festivités du 7 Novembre !) qui ont montré un talent et une créativité immenses avant et depuis le 14 Janvier, à organiser Dimanche prochain une fête de la liberté dans l’une des villes de l’intérieur.

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25 janvier 2011

Lettre ouverte à Monsieur Abdesselem Jrad et au Comité Exécutif de l’UGTT

Messieurs,

Vous êtes à la tête d’une organisation glorieuse et chère au cœur de tout tunisien. Nos parents et grands parents ont milité dans les rangs de l’UGTT aux côtés du grand Farhat Hached et cette organisation a joué un rôle majeur pour nous libérer du colonisateur Français. Elle a également été aux avants postes dans la construction de la société Tunisienne avec des acquis dont nous sommes fiers et que de nombreux pays nous envient.

Après des années de combat contre un pouvoir omnipotent, l’UGTT s’est trouvée muselée et dans l’impossibilité de jouer le rôle qui lui incombe et qui est indispensable à notre société.

 La révolution que nous venons de gagner, ensemble, chômeurs, ouvriers, paysans, cadres et patrons, ruraux et citadins, vieux et jeunes, vous offre une occasion historique pour redonner à l’UGTT ses lettres de noblesses  et l’insérer dans la construction de notre avenir commun, celui d’une société moderne, ouverte, démocratique et libre.

Au lieu de cela, vous êtes en train de gâcher cette occasion en cédant aux vieux réflexes d’antan. De la même manière que le pouvoir qui était en place n’avait pas pris la mesure du changement de la société, nous avons l’impression que l’UGTT non plus, n’a malheureusement pas pris la mesure du changement. Vous vous situez toujours dans un modèle de conflit des classes, les ouvriers contre les patrons, les pauvres contre les riches. Au lieu de jouer vôtre rôle d’interlocuteur responsable, vous n’avez à proposer que des revendications, qui, tout en étant légitimes, auraient mérité un autre traitement et un autre timing. Vous être en train d’entraîner le pays vers la gabegie. Alors permettez nous à nous aussi, de parler :

Premièrement, nous nous permettrons de vous rappeler votre position du 13 Janvier 2011. Nous reprenons ici intégralement l’article paru dans le journal La Presse du 14 Janvier 2011 :

Le Président Zine El Abidine Ben Ali a reçu, mercredi après-midi, M. Abdessalem Jrad, secrétaire général de l'Union générale tunisienne de travail (Ugtt), qui a fait, à l'issue de cette rencontre, la déclaration suivante :

"J'ai eu l'honneur de rencontrer le Chef de l'Etat et ce fut une occasion pour un très important entretien au cours duquel nous avons abordé la situation douloureuse dans certaines régions du pays, ainsi que des idées et des  propositions de l'Ugtt. J'ai trouvé auprès du Président de la République une vision profonde des principaux problèmes  et de leurs causes et une volonté de les résoudre".

Après avoir affirmé la satisfaction de l'organisation des travailleurs de la décision du Chef de l'Etat d'élargir les personnes arrêtées, M. Jrad a ajouté : "Autant l'Union exprime sa douleur pour les victimes,  autant elle rejette toute forme de violence et toute  atteinte aux biens publics et privés et aux acquis du pays. J'ai fait part au Président de la République de notre appui à la constitution d'une commission d'enquête sur les dépassements et d'une autre commission pour l'examen des affaires de corruption et des erreurs commises par certains responsables".

Le secrétaire général de l'Ugtt a, au nom de l'Union, a réaffirmé l'impératif de sortir de cette situation  difficile et délicate, pour un retour à la normale, de manière à permettre à toutes les parties de se consacrer à la mise en œuvre des mesures décidées par le Chef de l'Etat, notamment celles portant sur l'emploi et l'encadrement des chômeurs et ceux qui ont perdu leur  emploi, et ce, à travers les mécanismes appropriés qui seront examinés.

M. Jrad a indiqué, en conclusion, "J'ai trouvé auprès du Chef de l'Etat toute la considération pour les travailleurs et pour leur organisation ainsi que toute l'attention à cette catégorie et aux personnes nécessiteuses".

Le Chef de l'Etat a affirmé qu'il donnera ses instructions pour inviter des représentants de l'Ugtt aux conseils régionaux et locaux à contribuer à l'effort national de développement et d'emploi.

Notre première remarque est que vous aviez accepté, à cette date, le maintien de Ben Ali au pouvoir en contrepartie de la création des commissions d’enquête et la mise en œuvre des mesures décidées peu auparavant par Ben Ali. Vous aviez également affirmé la nécessité de sortir de la crise pour un retour à la normale pour permettre à toutes les parties concernées, de mettre en œuvre les dites mesures. Permettez nous donc de nous étonner de la position actuelle de l’UGTT qui n’accepte pas un gouvernement, pourtant d’Union Nationale (sans Ben Ali), qui a déjà commencé à mettre en œuvre plusieurs des mesures décidées et qui a accompli en une semaine un travail qui nous aurait pris dix ans il n’y a pas si longtemps.

Deuxièmement, nous nous permettons d’attirer votre attention sur des faits GRAVISSIMES qui se sont déroulés en plusieurs endroits le 24 Janvier 2011, jour de grève des enseignants : certains d’entre eux, qui souhaitaient assurer leurs cours  se sont vus empêchés de le faire par leurs collègues grévistes qui leur ont interdit l’accès aux établissements. Il s’agit là d’une entorse très grave aux libertés individuelles et je vous rappelle que si personne ne conteste le droit de grève, le droit de travailler est encore moins contestable. J’espère que l’UGTT, si prompte à demander des commissions d’enquête contre les dépassements de l’ancien régime, saura balayer devant sa porte et prendra les mesures adéquates contre les personnes coupables de ce genre d’agissements. Il en va de sa crédibilité et de la noblesse de son action.

Troisièmement, les slogans qui sont repris par des manifestants menés par des membres de l’UGTT (les porte-voie sont marqués UGTT) affirment que « Le peuple veut la chute du gouvernement – Icha3b youridou is9at Al houkouma ».  Je me permets de vous dire que vous n’êtes pas le peuple, mais que vous représenter une frange de ce dernier. Alors vous pouvez affirmer que « l’UGTT veut la chute du gouvernement » mais en aucun cas que c’est le Peuple. Et nous sommes nombreux, parmi les travailleurs,  à vouloir donner une chance à ce gouvernement de transition, même s’il est imparfait.

Quatrièmement, nous vous rappelons que l’UGTT est une organisation syndicale et non un parti politique. A ce titre, elle représente des centaines de milliers de travailleurs, sans distinction quand à leurs préférences politiques. Il peut y en avoir d’extrême gauche, de gauche, de droite, des islamistes, voire même du RCD. Nous avons peine à croire que, dans toute cette variété, toutes ces composantes aient pour seul mot d’ordre commun la chute du gouvernement. Alors que nous avions déjà eu du mal à comprendre comment l’UGTT pouvait participer au gouvernement ou démissionner de ce dernier, nous comprenons encore moins comment une organisation syndicale appelle à la chute d’un gouvernement. Si c’est ce que vous souhaitez, alors transformez l’UGTT en parti politique, recompter alors vos adhérents, et, à ce moment seulement vous pourrez exprimer une telle revendication.

Cinquièmement, les braves qui ont initié ce mouvement, que ce soit en 2008 dans le bassin minier de Gafsa et Redeyef ou en 2010-2011 dans les régions de Sidi-Bouzid, de Kasserine, puis dans toutes les régions de la républiques, ne revendiquaient au départ, ni le droit de faire grève, ni des augmentations de salaires, mais revendiquaient avant tout le droit au travail et à une vie digne. Il est difficile d’obtenir une augmentation de salaire ou de faire grève quand on est chômeur ! Certes la dignité passe par un niveau de vie respectable. Oui le coût de la vie a considérablement augmenté, oui les salaires en Tunisie demeurent globalement trop bas pour permettre aux gens honnêtes de s’en sortir. Et encore oui, les gens ont raison d’exprimer des revendications sur tout cela, mais aussi sur la précarité de l’emploi, sur l’égalité des chances, sur le fait que des régions entières ont été laissées en marge du développement économique du reste du pays, sur l’absence de libertés. Tout cela est vrai. Mais ce n’est pas en bloquant les efforts de normalisation de l’activité sociale et économique que vous redonnerez confiance aux gens, ni que vous encouragerez les employeurs à recruter ou à aller s’installer dans les régions défavorisées.

La manière dont l’UGTT est en train d’exploiter une révolution qu’elle n’a pas conduite, mais qui émane du peuple me parait tout bonnement honteuse et indigne de cette grande maison. Aussi nous ne lui ferons pas l’injure de lui faire porter la responsabilité de cet opportunisme malsain, mais nous ferons porter cette responsabilité aux responsables que vous êtes.

La critique est une chance pour qui sait l’entendre. Car elle enrichit le débat et nous évite des erreurs. Mais toujours faut-il qu’elle comporte des propositions. Or nous n’avons entendu à ce jour que des slogans de déstabilisation, que des revendications, qu’une violence verbale et une violence physique lorsque vous empêchez les personnes qui n’adhèrent pas à vos appels à la grève d’aller travailler. Aucune proposition, aucun projet ne semble guider votre action, si ce n’est de dire systématiquement « non ».

Alors aujourd’hui, c’est nous qui vous disons NON. C’est nous qui vous disons cela est assez. C’est nous qui vous disons que nous ne tolérerons plus d’être les otages de gens irresponsables qui ne proposent que l’anarchie et le chaos et qui se sont coupés de leurs bases.

Nous ne vous ferons pas le plaisir d’affirmer que chaque jour qui passe, notre pays s’enfonce un peu plus dans le chaos. Cela n’est pas vrai. Malgré tous vos efforts pour semer ce chaos, beaucoup de gens se rendent à leur travail normalement. Dans certaines écoles, les classes ont ouvert, malgré les piquets de grève et nous leur rendons hommage pour cela. Les travailleurs, de la même manière qu’ils se sont mobilisés d’une manière admirable et qui force le respect pour défendre leurs entreprises contre les pilleurs, se mobilisent aujourd’hui pour que le travail continue et que la vie reprenne ses droits. Les magasins sont ouverts, les étalages débordent  et les embouteillages sont réapparus. Mais les chômeurs et la misère et le désespoir demeurent à Sidi-Bouzid, à Kasserine et à Thala. Alors de grâce, laissez nous travailler pour que l’on puisse enfin venir en aide à ces gens à qui nous sommes redevables. Laissez nos enfants aller à l’école pour que la Tunisie conserve ce qu’elle a de plus précieux, l’éducation de ses jeunes.

Vous avez le droit,  le devoir, de porter les revendications des travailleurs aux oreilles de la société et de la classe politique. Mais vous avez également le devoir de vous comporter en citoyens responsables et de faire passer l’intérêt national avant tout calcul politique.

Maintenir une mobilisation forte par des manifestations pacifiques est quelque chose que nous comprenons, voire que nous encourageons. Mais prendre en otage l'éducation de nos enfants, nous empêcher d'aller au travail, faire sans cesse monter les enchères et tout exiger tout de suite, ne prouve malheureusement qu’une chose à nos yeux, c’est que vous n’êtes pas encore aptes à assumer les responsabilités qui auraient dues être les vôtres.

La Tunisie, les Tunisiens, L’UGTT et les travailleurs méritent mieux que cela. Alors réveillez vous ! Laissez de côté vos calculs partisans et poussez avec nous dans le sens de la reconstruction du pays : reconstruction de nos institutions pour ancrer de manière définitive la démocratie dans notre système politique; reconstruction sociale pour que les gens apprennent la tolérance, le respect de l'autre, le droit à la différence de point de vue; reconstruction économique, pour que plus jamais un Tunisien ne s'immole par le feu parce qu'il a perdu l'espoir et pour une meilleure répartition des fruits du travail.

Vive la Tunisie, Vive la République.

Zied LAHIANI - Tunis, le 25 Janvier 2011

 

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